RETOUR ACCEUILJe suis partie seule à Nice, je m'étais inscrite avec une personne qui finalement n'a pas courru. Mais moi je voulais au moins passer la ligne de départ, je ne voulais pas manquer ça ... Alors j'y suis quand même allée. Au final c'est très personnel un marathon, tant pis si je suis toute seule. Quels sont mes objectifs ? Bonne question. Passer la ligne de départ et apprécier le paysage de la côte d'azur entre Nice et Cannes, c'est sûr. Ne pas déclarer forfait parce qu'on me fait faux-bond, c'est sûr aussi. Rentrer sans blessure et avec le sourire, c'est important aussi. Niveau sportif, je veux faire 30km, je n'ai jamais fait autant et je sais que c'est faisable, donc c'est mon objectif officiel. Ensuite, je le dis, je veux tenter la ligne d'arrivée, tester la distance ... Sans pression, on verra bien ... Par contre, je ne l'ai dit à personne, mais ces 42.2km, je suis persuadée que je peux le faire. J'ai 6h max, soit ça passe, soit la voiture-balai m'empêchera de souffrir plus longtemps, donc c'est bien. Je n'ai pas l'entraînement adapté dans les jambes, physiquement je ne suis pas au point, mais mentalement je suis plus que prête, même si personne ne le sait. Je m'y prépare depuis plusieurs mois, je me vois déjà passer la ligne d'arrivée et fondre en larmes. Ca fait un an et demi que l'idée me trotte dans la tête, j'ai envie d'y croire. Mais j'ai quand même super peur, dans quoi je me lance ? Le début, c'est simple et mécanique, pas besoin de se poser trop de questions, le samedi, on récupère le dossard (personnalisé de son prénom), on prend son nom en photo sur la banderole des participants, on mange des pâtes le soir, on prépare ses affaires pour le lendemain et on va se coucher ... Drôle de nuit, réveil naturel avant l'alarme malgré l'heure bien matinale et puis je me pose devant mon riz au lait (mon petit-déjeuner grigri des matins de course). Je discute avec Christine, locataire airb&b dans le même appart que moi et qui fait aujourd'hui son deuxième marathon. Parler, ça détend. Mon sac est déposé à la consigne, je le récupèrerai à Cannes. Donc je dois y aller ! Mon portable m'attendra là-bas et beaucoup de gens voudront savoir comment ça s'est passé. Et puis je me retrouve dans la foule avant le départ, sas des 4h30 et +. Christine vise 4h30, elle reste devant. Moi je laisse la foule me doubler avant la ligne de départ, pas la peine de partir avec des gens trop rapides pour moi. Et aussi, j'ai peur de démarrer, je ne sais pas pour combien de temps je pars. Mais la ligne se rapproche et vers 8h07 c'est parti. Je pars tranquille, il fait super beau, pas un nuage ! Il fait bon, je vais avoir chaud sur la fin... Le paysage est top, la promenade des anglais c'est cool pour un départ ! Il y a pas mal de public, c'est sympa. Les premiers km passent sans problème. Déjà le ravito du 5ème. Je suis bien, mais je m'arrête pour boire et manger des oranges, mon but c'est survivre donc on ne méprise pas les ravitos. Plus tard, pause technique. Je perds plusieurs minutes, c'est pas le problème, mais je me retrouve d'un coup plutôt seule. Je suis sûrement dans les derniers coureurs, il ne reste plus grand monde, c'est dommage. Je continue d'avancer, je suis en forme, je me surprend même à aller un peu plus vite mais je ne m'emballe pas et je continue de prendre mon temps aux ravitos ! A boire et à manger tous les 5km plus de l'eau pour boire et s'éponger à mi chemin entre chaque ravitos ... Ils ne plaisantent pas sur l'organisation, c'est vraiment top ! Je croise les points relais des gens qui courent en équipe mais je continue, je suis en individuel. Savoir que des relayeurs sont encore derrière moi, ça donne confiance. Au 13ème, je me fais doubler par les sapeurs pompiers qui poussent un jeune handicapé, je suis toujours impressionnée, ils avancent vite ! Certains coureurs sont déguisés, le public est sympa, le paysage défile et il est beau, la vie est belle. Plus tard, je ne sais plus du tout où sur le parcours, je croise quelqu'un allongé au sol, pris en charge par une grosse équipe de pompiers qui tente de le réanimer ... J'apprendrai en visitant le site internet le lendemain qu'un coureur est décédé d'un arrêt cardiaque pendant la course. Je suppose que c'est lui. Cette nouvelle sera dure. Très dure. Je ne le connais pas, mais on était anonymes dans la même foule, on se sent forcément concerné ... Triste histoire. Mais quand je le croise, je ne sais pas tout ça, heureusement. Je me dis juste "tu prendras bien ton temps aux ravitos". Les kms continuent de défiler tranquillement. Au 14ème, j'en suis à 1h38, donc une base de 5h à peu près, c'est bien, ça me laisse 1h de marge avant la voiture balai... j'arrive au semi, 2h27, la même base qu'au 14ème, trop cool ! Je continue de garder le rythme et surtout je commence à redescendre la pyramide, c'est super, maintenant je rentre. Je n'ai jamais fait plus qu'un semi en compétition, je découvre l'inconnu ... Au 22 mon genou gauche commence à se manifester mais rien de plus. Au 26, je rentre dans l'inconnu total, je n'ai jamais courru plus de 26km à l'entraînement. Au 28, j'ai à peine ralenti, je suis sur une base de 5h pile. Toujours 1h de marge vis à vis de la voiture balai, ça peut le faire, j'y crois ! Et puis avoir été régulière sur 30km, je suis super contente. Le parcours est sympa, assez plat, bord de mer, ciel bleu. Bon, certains passages sont vraiment bofs, mais sur 42km, c'est inévitable. Ravito du 30ème, je savoure. J'ai rempli l'objectif officiel, j'ai déjà gagné ! La côte du cap d'Antibes qui me faisait super peur est passée sans problème, même pas eu besoin de marcher alors que c'était prévu dans ma tête. Par contre, j'aurais dû faire une pause technique ... Mais bon, c'est trop bête de faire demi-tour, même sur 100m, ça attendra le prochain ravito ... Grosse erreur, le prochain est au 36, c'est bien trop long ! Ca m'apprendra à boire sur les courses. Au 36, donc pause. Et là, c'est le drame. Les bras relâchent la pression deux minutes. Et je fais la découverte de ma vie : les bras, quand on court, on s'en sert beaucoup. Une douleur de dingue, je n'ai jamais vu ça. Dans les deux bras, je ne peux plus rien faire. Heureusement je prends mon temps au ravito, je discute avec les bénévoles super sympas qui me disent de plutôt me servir de mes jambes, merci les gars... Franchement ils assurent les bénévoles, un petit mot d'encouragement, un sourire, une blague, ils donnent la pêche ! Avec nos prénoms sur les dossards, ça devient encore plus personnel, c'est cool. Alors je repars et ça finit par passer. Mais là, c'est vraiment dur, interminable. Le parcours que je croyais plat est vallonné, mon genou gauche râle de plus en plus dans les descentes et les montées. Je me demande vraiment comment je vais pouvoir finir. Je veux conclure ça par une ligne d'arrivée, c'est non négociable, c'est tellement de records personnels battus (distance et temps) qu'il n'est pas question de finir par un abandon. J'ai de la marge, je le sais. On m'avait prévenue que le mental serait indispensable à un moment ou un autre, je crois que c'est là ... Mais pour ça, c'est bon, dans la tête je suis à fond. Contrairement à ce qu'on m'avait dit, à aucun moment je n'ai voulu arrêter, je n'en ai jamais eu marre. Mais je me suis vraiment demandé comment réussir. Vers le 37, ça y est je peux finir en marchant, ça doit rentrer dans les 6h autorisées, ça me rassure. Mais je continue de courir et ça reste galère. Au 38 on est sur un gros boulevard, pas de public, c'est moche, à notre droite une file de voiture qui avance en accordéon, tout le monde qui marche, c'est pas la joie. On s'accroche, on alterne marche et course, on vise les ravitos, on pense à tout plein de gens (heureusement qu'ils sont là tous ces gens...), au portable qui attend à Cannes et à la ligne d'arrivée. Je suis un robot. Je n'arriverai pas en moins de 5h15 mais on tente le moins de 5h20. Puis on passe un point d'eau, le 39, le 40, un ravito, le 41 et là ça repart ! Plus qu'un, c'est fini. On retrouve du public, on est encouragé personnellement, les "vas-y Clairette, c'est super !" lancés par des inconnus, ça donne des ailes. Et puis c'est la croisette, à Cannes, on y est. 42, c'est une blague ? Je l'ai vraiment passé ce panneau ? La ligne est devant, 200m, je l'ai fait tellement de fois au club 200m... et puis les barrières des deux côtés, une armée de photographes à genoux et la ligne, la vraie ! C'est fini ! Je l'ai fait ! 5h14, je bats de 2h mon record d'endurance. 42.2km, je bats de 16km mon record de distance. Je n'arrive pas à pleurer (j'ai sûrement trop transpiré) mais je suis ailleurs. Je marche, j'essaie de ne pas m'arrêter sinon je vais rester coincée. La médaille est magnifique et pleine de sens ... Le t-shirt finisher est trop grand (il ne reste que du L) mais magnifique quand même ! J'ai l'impression que c'est juste un ravito et que je vais repartir dans quelques minutes mais cette fois non. Le marathon c'est fait, fini. Par contre, c'est sûr, j'en referai un. Mais j'imagine qu'il sera dur (mon deuxième semi était une torture) alors cette fois je ferai un vrai entraînement... CLAIRE CLAIRE
MAIS DE SUITE SON RECIT TRÈS VIVANT
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